mercredi 13 janvier 2016

Quand Marineland pollue en douce… l'eau douce

Dans l'article et la vidéo du Point.fr (ci-dessous), on constate une fois de plus que ce sont des « privés » ou des Associations militantes qui font le job (SeaShepherd ici en l'occurence), les autorités quant à elles n'entendent rien, ne voient rien, ne « souhaitent pas » s'exprimer.
Le Marineland ouvrira en fanfare le 6 février et les élus locaux seront sans doute associés à la fête de l'emploi et du chiffre d'affaire retrouvés.

Quand Marineland pollue... en douce





VIDÉO. Après les intempéries d'octobre, Le Point.fr a effectué des analyses dans le cours d'eau qui traverse le parc, confirmant les soupçons de pollution.


Publié le - Modifié le | Le Point.fr


Jeudi 17 décembre 2015, Saint-Ouen-l'Aumône, en région parisienne, Pascal Michel s'empare des deux rapports d'analyses du laboratoire Carso posés sur son bureau.
Son regard parcourt l'ensemble en vitesse, puis se fige. « Il y a eu un rejet de chlorures et d'hydrocarbures dans ce ruisseau, c'est une évidence », lâche-t-il sans quitter les documents des yeux. Directeur du bureau d'études des milieux aquatiques Hydrosphère, l'écologue est formel : à l'endroit exact où le cours d'eau le vallon de la Maïre traverse la propriété privée de Marineland, les conclusions du plus grand laboratoire de France révèlent une incontestable source de pollution.
Effectués par Le Point.fr sur le site du parc aquatique, les prélèvements analysés par Carso indiquent un taux de chlorures de 408 mg/l, alors que la réglementation nationale estime qu'au-delà de 200 mg/l la qualité de l'eau est « très mauvaise ».
Même constat alarmant avec la présence anormale d'hydrocarbures : 31,5 mg/l.
Comme on l'avait pressenti, le 13 octobre dernier, en quittant les lieux après une visite chaperonnée par la direction du site, il y avait bien anguille sous roche derrière les grilles du parc animalier. L'affaire était aussi trouble que l'eau du bassin des orques après les inondations destructrices survenues dix jours plus tôt dans les Alpes-Maritimes. Des intempéries qui avaient entraîné la mort de 20 personnes sur la Côte d'Azur. Ravagé « à 90 % », le parc antibois n'avait, lui, d'autre choix que de fermer ses portes, censées rouvrir le 6 février prochain.









Magma bourbeux

À l'époque, au lieu de jouer la transparence, Marineland était resté flou sur l'état de santé de ses pensionnaires marins, alimentant les craintes des ONG. Parmi elles, Sea Shepherd France. Contactée au lendemain du déluge, Lamya Essemlali, sa présidente et cofondatrice, dénonçait déjà « une forme de maltraitance » liée à la captivité des bêtes, tenant l'homme pour responsable des lourdes pertes animales. Quelques jours après la publication de notre premier reportage, la présidente de l'ONG attirait notre attention sur l'exposé bancal d'Hervé Lux, directeur de la communication du parc, au sujet du bassin des orques dont l'eau, couleur verdâtre, n'avait pas été assainie en dépit des opérations de nettoyage. Résultat : les quatre cétacés s'engluaient dans un magma bourbeux. « Une eau sale », pour Hervé Lux, qui reconnaissait alors que le système de filtration ne fonctionnait pas « à 100 % »…
 
Au total, le bassin des orques contient 40 millions de litres puisés dans la Méditerranée à 70 mètres de profondeur.
L'eau salée est purifiée à l'entrée des conduits, puis retourne à la mer via des canalisations souterraines.
Petit hic : comment débarrasser le bassin de sa fange quand le dispositif classique n'est pas à la hauteur du désastre ?
Face à ce problème, le parc s'est procuré en urgence une pompe destinée à extraire les boues résiduelles agglomérées au fond du bassin.
Installée le 12 octobre, elle a été retirée le 4 novembre.

Mais qu'y avait-il dans cette eau souillée ?
Sollicitée à plusieurs reprises pour savoir si elle disposait d'analyses, la Direction départementale de protection des populations (DDPP) des Alpes-Maritimes n'a pas souhaité répondre à nos questions.
Deuxième énigme, selon Lamya Essemlali de Sea Shepherd : « Où cette eau polluée est-elle rejetée ? »
Un seul moyen permettrait de connaître son itinéraire réel : s'approcher au plus près de l'appareil de pompage.

Dépôt visqueux et marron

Le 21 octobre 2015, Le Point.fr est donc de retour au Marineland, 306, avenue Mozart, à Antibes, où Caroline Delompré, co-coordinatrice de Sea Shepherd Nice, une brune aux yeux lagon, avait fixé le rendez-vous.
La veille, des membres de l'association étaient tombés des nues lors d'une ronde de nuit. Alertés par le vrombissement d'un moteur en provenance du parc, ils avaient identifié le raffut d'une pompe.
Caroline Delompré désigne un ru quasiment à sec par-delà le grillage.
Une buse dégoulinante d'un dépôt visqueux et marron sèche au soleil.
L'activiste pointe ensuite la rive, où un énorme tuyau relié à une imposante machine jaune moutarde gît sur la berge.
Sa gueule béante s'ouvre sur le ruisseau.
« On s'est rendu compte qu'ils rejetaient l'eau polluée du bassin des orques dans le vallon de la Maïre. »
En aval, ce cours d'eau se jette dans la Brague, puis termine sa course dans la mer.
Sur son parcours, il croise deux campings, alimente des puits, longe des centaines de riverains.
Le plus grand parc marin européen pouvait-il à ce point négliger biodiversité, environnement et voisinage ?
Nous décidons d'investiguer davantage en regagnant les lieux avec des flacons de prélèvement. Sur place, une poignée d'ouvriers lambine en plein soleil tandis que les employés sont partis déjeuner, à l'exception de trois soigneuses en combinaison noire qui déplacent des bacs d'où s'échappent des relents âcres de poissons.
Au moment où nous nous apprêtons à puiser de l'eau à la sortie du tuyau, un gardien furibond surgit à vélo : « Je peux savoir ce que vous faites ? »
Contre toute attente, il se propose, après nos explications, de nous conduire à un endroit dépourvu de clôture.
Soudain, il se ravise.
Un de ses supérieurs hiérarchiques vient de lui faire un signe.
Changement de ton. Il nous intime de quitter les lieux « avant qu'il appelle la police ».
Nous nous exécutons.




Cartes Galileo représentant le ruisseau Le vallon de la Maïre, parcourant le parc Marineland, se jetant ensuite dans la Brague puis dans la mer.      
© Le Point.fr Le Point.fr

« Contre nature »

Mais cette attitude défensive nous convainc de revenir quelque temps plus tard opérer à l'arbi des regards. Par souci d'objectivité, nous prenons soin de prélever également des échantillons à 300 mètres en amont de Marineland, en plein parc naturel de Vaugrenier (sur la commune de Villeneuve-Loubet), à titre de comparaison. Ainsi, s'il y avait pollution dans le vallon, elle ne pourrait être imputée qu'au parc, ces deux zones ayant essuyé les mêmes inondations.

Au mois de novembre, le couperet tombe : l'eau prélevée en aval contient des polluants absents en amont.

Conclusion : 
Sea Shepherd avait visé juste.
Marineland, en plus d'avoir mis en danger la vie d'animaux marins, dont celle de l'orque Valentin, officiellement décédée d'une torsion de l'estomac le 12 octobre à l'âge de 19 ans [une orque vit en moyenne 50 ans en milieu sauvage], a pollué pendant au moins trois semaines l'environnement varois.
En toute impunité. La morale de l'histoire, Lamya Essemlali la résume en une phrase :
« Quand on enferme des animaux dans des conditions contre nature, il ne faut pas s'attendre à un grand respect de cette dernière. »
La réaction de Jon Kershaw, directeur animalier du parc Marineland :
- « La flotte qui était pompée par la pompe Veolia venait de notre station de filtration. Cette eau provient des inondations qui ont envahi la salle de commande de la station, qui se trouve sous les gradins (du bassin) des orques, et qui ne communique pas avec celui-ci. La station était immergée. L'eau atteignait une hauteur de 6 mètres. La pompe ne prélevait pas du tout d'eau depuis la piscine (des orques)."
- « La pollution, qui a rendu le bassin des orques de couleur ocre, était minérale. C'était du sable. Et il n'y a jamais eu d'hydrocarbures dans la bassin des orques. C'est ridicule, physiquement et logistiquement impossible. Nous avons été contrôlé par la Préfecture et la DDPP le lendemain de l'inondation, qui ont rédigé un rapport d'analyse. Je ne peux pas vous fournir ce rapport. Pourquoi je le ferais ? Je ne vous dois aucune explication. »
- « Des hydrocarbures dans la Maïre, oui, il y en a eu. Mais ça ne venait pas de nous. Cela venait d'une cuve à gazoil. Elle n'est jamais passée par le bassin des orques. Cette cuve venait de quelque part, allez savoir où. Depuis, nous avons d'ailleurs nettoyé et dragué le fond de ce ruisseau. Tout est propre aujourd'hui. Je vous envoie une photo pour preuve par mail. (voir ci-dessous) Dix jours plus tard, il n'y avait d'ailleurs déjà plus de mazout dans le ruisseau. Ou alors probablement des traces. »
- « Le tuyau présent au bord du vallon de la Maïre était relié à la station de filtration, qui, comme je l'ai déjà dit, était remplie d'eau. C'est bien la Brague - reliée au vallon de la Maïre (NDLR) - qui s'est déversé dans le parc et qui nous a donné l'eau souillée. Donc on a retourné à la Brague l'eau qui venait de la Brague. L'eau du bassin des orques a été désinfectée au chlore et à la javel, puis évacuée, sans les filtres, par notre système de pompage habituel, relié à la mer. »

Source article et photos :  lepoint.fr

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