samedi 13 février 2016

Nous, le Peuple…

ou la réflection collective de trois internautes concernés.

A propos de l'amendement du Sénat concernant les delphinariums de France.

M. D.
Article mis à jour le 29 février 2016 (Nouveaux liens et textes)
Article mis à jour le 26 février 2016 (Nouveaux liens)

Le Sénat détient le pouvoir législatif avec l'Assemblée Nationale.
« Nous le peuple » (et on nous pardonnera l’emprunt de cette formule aux Etats-Uniens), pourrions espérer voir sortir de cette assemblée d’élus censés nous représenter, des décisions dont l’intelligence, le sérieux des analyses et les hauteurs de vue forceraient notre admiration et donc notre respect, quand bien même certaines de nos opinions individuelles pourraient diverger.

Ça n’est pas le cas et dans le sujet qui nous préoccupe ici, à savoir le sort qui est fait aux animaux exploités dans les parc marins.
Or nous sommes affligés de voir le manque de sérieux des argumentaires accumulant les contre vérités et approximations dignes d’un débat de café du commerce, certainement pas ce que l’on attendrait de cette vertueuse assemblée.

Quant à la défense des Grands Principes (de ceux que retient l’histoire), que dire de cette parole de ministre :
« De tels parcs sont des structures créatrices d’emplois ; je pense donc que, tout en restant vigilant, il ne faut pas non plus avoir d’attitudes trop rigoureuses sur ces sujets.»

Rien en effet : on ne peut qu’en rester sans voix.

Voici donc  une tentative de décryptage du travail de NOS représentants…


Le Sénat, l'amendement n° 357

Séance du vendredi 22 janvier 2016

M. le président.
L'amendement n°357, présenté par Mme Blandin, MM. Dantec, Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 46 ter Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article L. 413-2 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 413-2-
... ainsi rédigé :
« Art. L. 413-2- – La capture et l’importation de cétacés à des fins de dressage récréatif sont interdites. »
II. – Le présent article entre en vigueur six mois après la promulgation de la présente loi.

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin.
Cet amendement concerne les delphinariums de France, sujet sensible dont il a beaucoup été question ces derniers temps. Nous avons tous en tête les images d’un Marineland situé sur la Côte d’Azur qui a été dévasté par les intempéries d’octobre dernier.
Nous avons tous vu les orques, les tortues et les otaries évoluer dans une eau boueuse et contaminée qui fragilisait vraiment leur survie.

En prévoyant que « la capture et l’importation des cétacés à des fins de dressage récréatif sont interdites », notre amendement vise à tarir la source : on ne pourra plus importer ces animaux s’ils viennent du monde sauvage.

L’espérance de vie des cétacés est beaucoup plus brève en captivité que dans la nature.
En effet, ils sont dans un état de stress permanent : les bassins de béton, à l’eau chlorée, exigus et dénués de végétation, sont à l’évidence inadaptés à la physiologie et au comportement naturel de ces animaux.

Voir ICI le témoignage de l’ancien dresseur Phil DEMERS concernant entr’autres les effets de l’eau chlorée sur les animaux du Marineland de Niagara Fall (Ontario), ainsi que le contenu de la « Petite pharmacie du Marineland d'Antibes ».

Les naissances en captivité sont d’ailleurs très rares : l’inconfort dans lequel vivent les animaux est peu propice à la reproduction.
Pour le peu de naissances en captivité recensées, car il y en a, nous n’empêchons rien.

Pour compenser ce déficit des naissances, les delphinariums font capturer des animaux en milieu sauvage, ce qui perturbe grandement les groupes de dauphins. En effet, tout comme les orques, les dauphins sont des animaux sociaux qui communiquent entre eux.
Imaginez, mes chers collègues, l’impact que peut avoir sa capture sur un dauphin ainsi prélevé et mis dans un bassin avec des compagnons inconnus sans qu’on lui ait demandé son avis…

Sans tomber dans l’anthropomorphisme, il nous faut tout de même nous projeter un peu !

Un symbole de l’exploitation à l’œuvre dans ces parcs, qui va complètement à l’encontre du bien-être animal, est le syndrome de l’aileron flaccide, caractérisé par le ramollissement de la nageoire dorsale de l’animal.
Près de 100 % des orques captives souffrent de ce syndrome, quasi inexistant chez les orques sauvages.
Analyse du dépliant de désinformation du Marineland d'Antibes ICI
Les acrobaties que l’on oblige ces animaux à effectuer sont certes spectaculaires, mais elles ne contribuent en rien à la reconquête de la biodiversité ni à susciter de l’empathie avec ces animaux.

Ce ne sont que les restes de mœurs aujourd’hui révolues qui s’effacent du reste peu à peu.
Il faut aujourd’hui avoir le courage de décider d’y mettre fin.
On peut d’ailleurs noter que La Réunion, la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane, collectivités très proches d’eaux où vivent ces cétacés, ne se sont pas lancées dans ces dérives touristiques.
(Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président.
Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Bignon, rapporteur.
La commission a émis sur cet amendement un avis de sagesse.

Ce sujet important a déjà été débattu lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale.
Le Gouvernement – ce n’était pas Mme Royal qui le représentait ce jour-là – s’était alors engagé à organiser un examen complet de la réglementation relative aux delphinariums et à ne pas délivrer de nouvelles autorisations d’ouverture dans l’intervalle.

Examen du texte à l’Assemblée Nationale ICI à la suite de l’Article 46 Ter

J’ai en outre eu connaissance de l’existence d’un courrier adressé aux préfets à ce sujet en juillet 2015.
Par ailleurs, je rappelle qu’un arrêté interministériel est en vigueur depuis le 24 août 1981.

Texte de l’arrêté interministériel ICI

Il n’y a donc pas manque de réglementation en la matière.
Pour autant, l’arrêté en question pourrait sans doute être revisité pour adapter les règles de fonctionnement, tant du fait des manques qui auraient pu être décelés que pour y intégrer les nouvelles connaissances scientifiques évoquées à l’instant par Mme Blandin.
En effet, l’éthologie a fait des progrès considérables, à l’image de la science en général : il faudrait par conséquent intégrer à la réglementation les connaissances que les vétérinaires et les scientifiques ont acquises sur ces sujets.

Le chapitre « Intelligence et ethologie des dauphins » de la Dolphin Connection fait le point sur un grand nombre de ces avancées scientifiques.

Il existe un lieu très intéressant à Moorea, en Polynésie française.

M. Roger Karoutchi.
Il faut y aller en vacances ! (Sourires.)

M. Jérôme Bignon, rapporteur.
En effet ! Un laboratoire dirigé par une vétérinaire remarquable y soigne des animaux blessés, essentiellement des tortues et des dauphins.
On pourrait probablement effectuer un travail de recherche pour adapter les lieux de captivité à la lumière des connaissances scientifiques actuelles, si tant est que cela soit possible avec ce type d’animaux.

Madame la ministre, je me tourne vers vous, car je ne saurai en dire beaucoup plus.
Certains pays ont interdit les delphinariums, d’autres se sont dotés d’une législation pour les encadrer, de nombreux pays enfin ne connaissent pas ce genre d’établissements.
Parmi les 195 pays ayant participé à la COP 21, bien peu sont concernés par la question.

Quant à nos compatriotes, ils sont partagés : d’un côté, le sujet les émeut – il faut prendre en compte cette émotion –, de l’autre, ces spectacles les réjouissent : les enfants sont contents d’aller voir les dauphins…

Le travail du Sénat n’est pas de gérer les émotions, ces dernières étant très rarement en rapport avec la raison.
La classe politique semble donc ici s’adresser à un peuple d’enfants.
La profondeur et l’originalité de l’analyse n’est pas au rendez-vous comme on pourrait l’exiger d’une telle Assemblée.

« Les enfants sont heureux d’aller voir les dauphins », au même titre en effet qu’ils étaient heureux d'accompagner leurs parents dans les zoos humains du siècle passé.

Cet argument affligeant n'est pas au niveau des enjeux débattus ici.
A sept ou huit ans, les enfants estiment en effet que les dauphins - qui sourient perpétuellement (sic) - et les orques et pourquoi pas les ours blanc… « c’est gentil ».

L’opinion publique est par contre de plus en plus consciente des conditions de vie des animaux captifs et le fait savoir.

C’est très clairement, par contre, un argument de séduction marketing, ciblant avec toutes les ficelles d’une communication très offensive, les « prescripteurs » que sont l'école (qui y envoie les enfants en sorties scolaires, sans recul ni esprit critique un minimum documenté), les Comités d’Entreprises, et les parents souvent désinformés par cette propagande, devenant les otages de leurs propres enfants.

C’est un coup double financier déloyal, toujours gagnant, sachant que les enfants doivent être accompagnés d'adultes, ce qui multiplie mécaniquement les entrées.

Les « spectacles » ayant cours dans ces parcs n’ont rien à voir avec la pédagogie mais tout à voir avec la promotion commerciale et l’industrie du spectacle.

Anecdote observée face au Marineland d’Antibes :
Un quinqua manifeste contre le spectacle des ours polaires en brandissant un panneau.
Un autre quinqua arrive en voiture devant le Parc et excédé interpelle le manifestant en pointant un panneau d’affichage de 4 x 3 mètres ayant pour thème l’arrivée d’un ourson si mignon :
« hé vous ! hein ? vous n’avez pas de petits enfants peut-être ? Alors comment pouvez-vous leur refuser ça ? »

M. le président.
Il faudrait conclure, monsieur le rapporteur : il nous reste 154 amendements à examiner !

M. Jérôme Bignon, rapporteur.
J’ai fini, monsieur le président !

M. le président.
Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre.
Cet amendement est satisfait. En effet, l’arrêté du 1er juillet 2011 fixant la liste des mammifères marins protégés sur le territoire national interdit déjà la capture de tous les cétacés.

Pour ce qui est des delphinariums, je m’étais engagée devant l’Assemblée nationale à revoir la réglementation.
En attendant la publication d’une nouvelle réglementation, j’ai demandé aux préfets de suspendre l’accord d’autorisation d’ouverture de tout nouvel établissement détenant des cétacés.
Parallèlement, afin d’élaborer ces nouvelles dispositions réglementaires, nous avons engagé un travail approfondi avec les représentants des différents parcs, des experts des cétacés et, prochainement, les associations de protection de la nature et des animaux.

Mais qui sont ces experts revendiqués ?
S’agit-il de responsables animaliers œuvrant dans les parcs ? par exemple ceux de la Fondation Marineland experte en greenwashing ?
Quelles sont les Associations qui ont été contactées ?
On lira avec profit cette analyse d’experts reconnus concernant l’empressement si « désintéressé » des zoo-marins à exploiter le filon des ours polaires dans leurs établissements.

Par exemple, j’ai reçu une demande d’autorisation de la part du parc de Beauval, un parc parfaitement bien géré
(Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)

On notera ici que le Parc de Beauval s’est hâté de démentir cette affirmation devant la levée de boucliers qu’elle a suscité.
Pétition et la réponse du Parc de Beauval ICI
Extrait :
« Si le ZooParc de Beauval envisage l’hébergement de dauphins, le projet n’est pas amené à voir le jour dans un futur proche. »
Pétition sur Change.org ICI

Ce n'est sans doute pas dans les prérogatives d'une ministre de l'écologie, de se prononcer ni de donner un avis officiel, sur la « gestion » d'un établissement privé (c'est une considération d'ordre économique, or la comptabilité n'a rien à voir avec la compétence vétérinaire ni les capacités intrinsèques à protéger des animaux)

et un lieu extraordinaire de conservation, de présentation et d’éducation à l’environnement.
De tels parcs sont des structures créatrices d’emplois ; je pense donc que, tout en restant vigilant, il ne faut pas non plus avoir d’attitudes trop rigoureuses sur ces sujets.

La direction du parc de Beauval est parfaitement responsable.

La création d’emploi est un argument sans fondement réel car les emplois nécessaires ont été créés il y a bien longtemps.
Bon nombre d’entre eux sont saisonniers afin de répondre à l'affluence touristique de l'été et il s’agit souvent d’emplois précaires.
En ce qui concerne Beauval, une extension de type delphinarium, loin de créer des emplois, risque d'en faire perdre étant donné les réactions négatives de certains habitués constituant le principal vivier de fréquentation dans le Loir et Cher, et qui manifestent déjà leur désapprobation atterrée sur les réseaux sociaux et au travers de pétition affirmant leur volonté de ne plus y mettre les pieds si ce projet devait voir le jour.

La sidérante remarque de la Ministre quant à elle entérine que la morale comme l'éthique sont donc ajustables, négociables en fonction des circonstances.
Une conception de la « rigueur » et de l’éthique très inquiétante venant d'un responsable du gouvernement au plus haut niveau.

Quant à affirmer que la direction du parc de Beauval est parfaitement responsable, Une fois sorti de cette profession de foi par définition sans fondement rationnel, de quelle responsabilité s’agit-il ?

Tous les parcs d'attractions sauf le Puy du Fou, reçoivent des subventions y compris Disney.
De quel côté penche la balance qui préside à l’existence d’un Parc ?
Est-ce la promesse de création d’emplois ou l’obtention de conséquentes subventions régionales ?

M. André Trillard.
Celle des autres parcs aussi !

Mme Ségolène Royal, ministre.
Ces parcs constituent, certes, des équipements touristiques, mais ils sont liés à la valorisation de la nature.

Valorisation de la nature s’exprimant dans le stockage d’animaux n’ayant rien à faire sous nos climats et forcés à des clowneries dans des bassins de béton brut entourés de gradins agrémentés de quelques simulacres de palmier en matière plastique, le tout dans un environnement sonore abrutissant ?
Voici la véritable vocation décomplexée déclarée du Marineland d’Antibes, de la bouche même de son ancien Directeur (démissionné à la suite des inondations) et publiée dans « Le Journal des Entreprises » (numéro Hors Série de 2014)

« Industrialiser le process événementiel
Sa vocation (Marineland) est de proposer des séjours incluant la visite de Marineland avec des nuitées d'hôtel. »

Un respect de la nature et un sens des responsabiltés collectives et environnementales bien illustrés également dans le scandale révélé par l’enquête de Sea Shepherd et du journal le Point.

Moins de légèreté et davantage de rigueur serait donc de mise dans la Noble Assemblée…

Voilà pourquoi, par exemple, une telle demande d’autorisation doit recevoir un avis positif. J’ai en tout cas l’intention d’accompagner le développement de ce centre sans négliger, bien évidemment, de réglementer et d’empêcher les abus tels que ceux que vous avez évoqués. Je n’ai pas de position idéologique contre les parcs zoologiques…

La notion d’« abus » évoquée par le Ministre reste ici dans le flou subjectif et n’est pas encadrée par une réglementation claire.
Ces amendements étant par ailleurs finalement rejetés, aucune amélioration de cet état de fait qui permet toutes les dérives n’est plus à attendre.
D’autre part, pour quelles raisons la Ministre affirme-t-elle son intention d’accompagner un « développement » de ce centre de Beauval, si les structures actuelles satisfont tout le monde (le public, les rentrées financières, les compétences prétendues) alors que certaines structures existantes sont loin de représenter un espace optimal pour leurs pensionnaires (les félins en particulier).

Madame le Ministre déclare ne pas avoir de position idéologique sur le sujet.
Ça devrait en effet être le cas mais pourtant l’ensemble de son discours est clairement favorable à ces parcs.
Elle encourage la promotion de ces zoos archaïques qui dévoient l’éducation du public en maintenant une vision spéciste du monde dans une caricature de nature contrôlée et rentabilisée et qui entretient dans les faits les trafics d’animaux.

Pour une prise de position claire quant à l’éthique ou la simple morale, on attendra donc.

Mme Marie-Christine Blandin.
Nous non plus !

M. Ronan Dantec.
Non, nous non plus !

Mme Ségolène Royal, ministre.
... mais je comprends que l’on puisse en avoir.
Je pense que le développement d’activités touristiques respectueuses de la vie animale mérite d’être accompagné et soutenu, tout en étant encadré, bien évidemment, par une réglementation susceptible d’empêcher les abus.

Concernant les cétacés, leur détention est une négation des connaissances actuelles sur leur degré de mal-être et de sensibilité.
Il est impossible de reproduire leur environnement naturel comme de satisfaire leurs besoins fondamentaux, même en les dispensant de spectacles alors que la totalité des parcs marins existant actuellement en France, et accessoirement dans les autres pays, présentent des « shows » donc du dressage avec tout ce que cela comporte de nuisances supplémentaires.
Le Marineland d’Antibes lui-même déclare qu'un dressage est nécessaire, pour pouvoir pratiquer des soins vétérinaires, ainsi que les manoeuvres de reproduction artificielle.
Il existe donc un fossé immense entre prétendre « respecter la vie animale », et l’asservissement de leur existence, un fossé d’une profondeur abyssale en ce qui concerne les cétacés dans leurs bassins exigus qui représentent « l’abus » ET la maltraitance en eux-mêmes.

M. le président.
La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.

M. Gérard Cornu.
La présentation que vous avez faite de cet amendement, madame Blandin, m’interpelle.
En effet, vous avez commencé votre exposé en évoquant les images des catastrophes naturelles qui ont frappé le sud de la France.
Nous les avons en effet tous vues, mais, au-delà de ces cétacés, que les gestionnaires du parc ont bien entendu tenté de sauver, des hommes et des femmes sont morts dans cette tragédie : vous auriez pu les mentionner ! (Mme Évelyne Didier proteste.)

Voici une variation culpabilisante et éculée sur le thème récurrent de la « misère du monde » sous-entendue ici comme bien plus importante au final que le sujet du débat en cours, ces deux causes étant artificiellement considérées comme incompatibles voire même… opposables dans le seul but de disqualifier l’objet central du débat !

Mais peu importe, je voudrais avant tout, au-delà de cette catastrophe, certifier que ces animaux ne sont pas maltraités.

Le marketing du Marineland d’Antibes lui-même, ne peut en aucun cas valider une « certification » aussi catégorique, alors qu’une multitude de scientifiques et de spécialistes démontrent et documentent l’exact contraire.

Ils sont en rapport avec l’homme et, notamment, avec les enfants.
Ces parcs constituent, à mon avis, une bonne manière de montrer aux enfants comment ces animaux peuvent se comporter avec des êtres humains.

Les cétacés n’ont pas vocation à entretenir des relations (forcées) avec les humains, ni à se faire tripoter par eux, ce ne sont pas des animaux domestiques, ni domestiqués.
Les soi-disants simulacres d’échanges (Le fort juteux « Hotel Resort Lagoon » du Marineland d’Antibes) se gardent bien d’établir un contact direct avec ces animaux par crainte - légitime - des morsures ou de collisions involontaires pendant les programmes très encadrés de « Nage avec les dauphins ».
Voir les concepts de « petting pool » et de « delphinothérapie »
On appréciera au passage la rouerie de cet abus de langage induisant en erreur les naïfs « consommateurs » sachant que, dans les faits, les animaux (pas toujours coopérants les bougres) sont « montrés » de loin aux enfants… Cette prestation à prix prohibitif - ça va de soi - est promue tout au long de la chaîne de production, par un marketing omniprésent à base de désinformation et de niaiseries en peluche.

Le conditionnement des dauphins à des ordres répétitifs (contre récompenses) lors de spectacles conçus par et pour des humains, n’illustre en aucune façon les comportements altruistes de certains de ces animaux dans la nature, pas plus qu’ils expliquent ceux des « dauphins ambassadeurs »

Voilà pourquoi je suis en désaccord complet avec votre analyse.

Certes, il faut se montrer vigilant : je trouve à cet égard les déclarations de Mme la ministre très intéressantes.
Je connais bien le parc de Beauval : ce sont des gens sérieux, tout comme, d’ailleurs, la plupart des gestionnaires de ces parcs.
Cela découle de leur volonté de rapprocher l’être humain et les animaux, projet ô combien éducatif.

Spécial copinage ? quelle profondeur de raisonnement !
Voici une démonstration du « sérieux » dont faisait preuve Jon Kershaw (directeur animalier du Marineland d’Antibes) face à Planète Animaux en été 2015.
Quant au « sérieux » du Zoo de Beauval dont il est spécifiquement questions ici, en mai 2015, ça n’est pas moins de 17 (!!) singes, d’espèces rares et fragiles, qui y ont été dérobés, « grâce » à un défaut des caméras de surveillance...

Par conséquent, je ne partage en aucune manière votre vision et je voterai contre cet amendement !

M. le président.
La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi.
Je ne suis pas un spécialiste des delphinariums, même si, comme tout le monde, j’ai vu certaines séries télévisées. (Sourires.)
Autant je suis sensible à la cause animale, autant je me méfie de la logique dans laquelle on entrerait par l’adoption de cet amendement : je ne comprends pas comment on pourrait s’attaquer aux delphinariums sans, dans un second temps, contester les parcs zoologiques eux-mêmes.

On m’oppose que cela n’a rien à voir : mais si !
Si ce qui importe à vos yeux est que les animaux dits « sauvages », une fois en captivité, ont un mode de vie différent et un temps de vie plus court, ce sera la même chose pour les tigres, les pandas, les lions et tous les autres animaux !
Reconnaissez au moins que, en réalité, vous voulez ouvrir un autre débat, sur le point de savoir si, oui ou non, on veut ici ou ailleurs dans le reste de l’Europe, des parcs zoologiques.  
(Mme Marie- Christine Blandin et M. Ronan Dantec protestent.)

En effet, même si les conditions sont différentes, vous retrouvez dans les parcs zoologiques ces mêmes éléments que vous dénoncez pour les delphinariums : capture, sortie du milieu naturel, intégration forcée, mode de vie et durée de vie différents.

Reconnaissez donc que vous souhaitez un débat sur la présence d’animaux sauvages dans les parcs zoologiques et les delphinariums des pays occidentaux.
Et c’est un vrai débat !
Je ne prétends pas, d’ailleurs, que mon avis serait opposé au vôtre : je nie simplement que l’on puisse ainsi isoler les delphinariums du reste.

Si ce mode de pensée sur la condition animale devient courant, une réflexion globale s’imposera forcément sur tous les modes de captivité des animaux sauvages.
Ayons donc cette réflexion, mais vous ne pouvez pas, en tout état de cause, aborder la question à partir des seuls delphinariums.
Roger Karoutchi tente ici de détourner la discussion en élargissant le sujet pour brouiller les cartes, par une pirouette rhétorique ( dite « de l’épouvantail »). S’il est vrai que le débat sur les delphinariums peut être aisément étendu à celui qui concerne les  parcs zoologiques de manière générale, ce n’est pas ici le sujet. Voter des lois nécessite de la précision (à chaque cas, sa loi ou son amendement) ici, le sujet est bien les delphinariums, et personne ne prétendait le contraire, si ce n’est les opposants eux-mêmes.

M. le président.
La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.

Mme Évelyne Didier.
Nous faisons face à un sujet complexe. Cela dit, on ne peut raisonner aujourd’hui sans prendre en compte les progrès accomplis dans la compréhension du monde animal. Nous savons désormais que l’animal est un être sensible. Ces découvertes, si elles ne sont pas récentes à proprement parler, gagnent en tout cas un large public : personne ne peut encore défendre qu’enfermer un animal, c’est pour son bien !

M. Roger Karoutchi.
Ce n’est pas ce que j’ai dit !

Mme Évelyne Didier.
Je n’ai jamais prétendu le contraire, monsieur Karoutchi !

Pour autant, il est évident que certaines espèces ont besoin d’être conservées dans des parcs parce qu’elles sont en voie d’extinction.

Les dauphins Tursiops (ou « grands dauphins », majoritairement présents dans les parcs) et les orques ne sont pas sur la liste des espèces menacées.
Quant aux bélugas - qui le sont - ce sont les cétacés qui supportent le plus mal la captivité (faible espérance de vie, taux de mortalité infantile et d’infanticide élevés…)
Par ailleurs, aucun cétacé né en captivité n’a jamais été relâché en milieu naturel par la volonté des parcs aquatiques, ces mêmes parcs entretenant contre-information et mythes au sujet de la réhabilitation de Keiko (l’orque star du film « Sauvez Willy »), seule orque capturée qui a suivi un programme de réhabilitation.
Détails sur cette réhabilitation ICI

Nous connaissons les progrès considérables qui ont été accomplis dans ces parcs : je ne tomberai pas dans la caricature !

Pour ma part, j’ai trouvé la position de Mme la ministre très équilibrée.
Elle est consciente des enjeux et avance donc de manière pragmatique, comme elle sait bien le faire : cela me convient.
Évitons toutefois de toujours raisonner de la même manière sans tenir compte des dernières découvertes : nous savons que les dauphins sont particulièrement sensibles et intelligents, à l’instar des singes et d’un certain nombre d’autres animaux.

M. Roger Karoutchi.
Les tigres !

Mme Évelyne Didier.
Il existe vraisemblablement chez eux une souffrance qui ne s’exprime pas d’une manière visible pour nous.
Sans faire d’anthropomorphisme, nous devons cependant rester attentifs et garder en tête que ce n’est pas parce qu’une pratique était commune qu’elle est bonne, quand bien même des progrès ont été réalisés : nous devons continuer à nous interroger.
Quant à moi, j’estime que ce problème méritait d’être posé, et ce sans caricatures de part et d’autre.

M. Jérôme Bignon, rapporteur.
Très bien !

M. le président.
La parole est à M. Hervé Poher, pour explication de vote.

M. Hervé Poher.
M. Karoutchi a dû rater un train (Sourires.) : nous avons adopté hier à l’unanimité un amendement insérant un article additionnel après l’article 32 quinquies qui prévoit que les zoos ont une mission à la fois d’éducation de la population et de conservation d’une fraction des ressources génétiques de la planète.

M. Roger Karoutchi.
C’est merveilleux ! Et alors ?...

M. le président.
La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec.
Pendant que nous votions l’amendement mentionné par M. Poher, inscrivant ainsi dans la loi la fonction de conservation qu’ont aujourd’hui les parcs zoologiques, M. Karoutchi regardait peut-être l’une des multiples rediffusions du film Hatari ! ...
(Nouveaux sourires.)

Les zoos ne se fournissent pourtant plus en animaux sauvages de la façon dépeinte dans ce film : on ne les attrape plus au lasso !
Les captures de dauphins ou d’orques à destination des parcs aquatiques, bien qu’interdites en Europe et aux USA, sont toujours réalisées de façon extrêmement violente et traumatisante (rabattage aux explosifs, poursuites en bateau pour épuiser les animaux, captures à l’échouage, lutte au corps à corps, séparation des familles, mise à mort des juvéniles et/ou des mères sous les yeux de tout le pod…) pour les captifs et le peu de survivants relâchés (dont le traumatisme cause majoritairement une mort ultérieure).
Au Japon, dans la tristement célèbre baie de Taiji, ou dans les eaux de Russie pour les orques. Ces captures sanglantes approvisionnent les delphinariums du monde entier, qui envoient discrètement du personnel sur place pour les superviser, à l’instar du géant américain SeaWorld, lequel a des relations commerciales directes avec les parcs français et européens.

M. Roger Karoutchi.
Au lasso ? Quel rapport ?

M. Ronan Dantec.
La question spécifique que nous posons dans cet amendement est celle des delphinariums. Pour ma part, je me méfie énormément de l’anthropomorphisme dans ce genre de sujets et je ne me laisserai pas enfermer dans cette approche.
Quitte à provoquer, on pourrait aussi affirmer que les animaux sauvages sont bien contents d’être nourris et logés !

Mme Évelyne Didier.
Tout à fait !

M. Ronan Dantec.
En revanche, les zoos se soumettent aujourd’hui à une règle qui impose de ne pas prélever d’animaux sauvages dans la nature.
Les zoos renouvellent désormais leurs populations au moyen de programmes de reproduction d’animaux captifs.
Ainsi, l’addax, que j’ai pris en exemple, a été sauvé par les zoos et on le réintroduit à présent en Afrique du Nord.
Dès lors, à mon sens, le seul critère qui aujourd’hui fait sens est la capacité ou non de l’animal à se reproduire en captivité.
De ce point de vue, les parcs zoologiques jouent tout à fait leur rôle.

Le problème spécifique des delphinariums, c’est que les animaux ne s’y reproduisent pas, ce qui prouve bien qu’ils ne s’y sentent pas bien.
Il s’agit là d’un critère scientifique et non anthropomorphique.

Les delphinariums me semblent donc condamnés, pour la raison même qu’ils ne parviennent pas à reproduire leurs animaux et qu’on en reste réduit à un prélèvement qui rappelle là Hatari ! .
Un tel procédé n’est plus possible.

Pour ma part, je suis même très surpris que le zooparc de Beauval, dont les fonctions à la fois pédagogique et récréative sont extrêmement claires, s’embarque dans un projet de delphinarium aujourd’hui.
Il faut au contraire préparer la sortie de la logique des delphinariums, même si on mesure bien l’enjeu économique.

Il faut le dire tranquillement et sans anthropomorphisme : les activités où il n’y a pas de reproduction sont condamnées,...

Cette déclaration illustre la difficulté à sortir d’un anthropomorphisme et d’un spécisme ordinaire dénué de malice, car quand bien même les « activités de reproduction fonctionneraient », il n'y a AUCUNE justification (autre qu’économique) à la reproduction artificielle forcée pour les dauphins, ils ont « simplement » (!) besoin qu'on les protège des massacres organisés et de la rapacité du commerce et des trafics… et donc des delphinariums qui en sont le moteur.
Nous rappelons ici que notre gouvernement n’a pris aucune position envers le Japon concernant les massacres de Taiji, pas davantage envers le Danemark et son « exception culturelle » s’exprimant dans les carnages rituels d’un autre âge aux Iles Feroes.

Mme Évelyne Didier.
Oui, c’est vrai !

M. Ronan Dantec.
... même si l’on comprend que des questions économiques se posent et qu’il faille préparer cette sortie.
Honnêtement, les sites qui ont des delphinariums – Port-Saint-Père, Astérix – tiendront économiquement, cela ne posera pas de problème.

Pas de problème et pas la moindre interrogation morale, ce qui visiblement pèse fort peu dans la balance économique de nos « représentants ».
C’est pourtant à ce genre de détail de l’histoire que l’on mesure le degré d’évolution d’une civilisation.

Je relève pour finir que Mme la ministre n’a pas répondu très clairement à la question de l’importation.

Dommage !, quelques informations concernant Jésus Fernandez Moran et Johan Markus.

M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n°357.

(L'amendement n'est pas adopté.)


Source à partir de la page 564


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  1. Mise à jour / Dernières minutes :

    Zoo de Beauval (Presse)
    12/02/2016 04:31
    « Le ZooParc envisageait de présenter des dauphins d'ici dix ans. Mais les opposants aux delphinariums font depuis dimanche le (bad) buzz contre le zoo…
    Un blog, une page Facebook, plus de 5.500 signatures et la menace d'une manifestation in situ: c'est un véritable bad buzz que le ZooParc de Beauval (Loir-et-Cher) essuie depuis dimanche soir. Le premier zoo de France, célèbre pour ses pandas, a été épinglé sur un projet de delphinarium; la ministre Ségolène Royale a cité le zoo devant le Sénat il y a quelques jours, en abordant la nouvelle législation en préparation pour les parcs accueillant des cétacés. Les défenseurs des cétacés, qui contestent toute vie en captivité pour ces animaux parmi les plus intelligents, se sont engouffrés dans la brèche et ont invité les internautes à boycotter le zoo, poster des avis négatifs sur Tripadvisor, etc. Bref, une publicité négative dont se serait bien passé le zoo. »

    http://www.centre-presse.fr/article-441738-pas-de-dauphins-a-beauval.html

    Réaction de la Direction du ZooParc de Beauval.
    11/02/2016
    La réponse de Delphine Delord.

    https://www.facebook.com/notes/zoo-de-beauval/un-projet/945496665503771?fref=nf&pnref=story

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